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I pesci marini

Poissons Marins



Le mérou des Lavezzi, un exemple de développement soutenable
 

E.Volto
E.Volto
Espèce emblématique de Méditerranée, le mérou brun, Epinephelus marginatus, est désormais bien connu grâce aux observations réalisées dans les espaces protégés de Corse et de Méditerranée. Durant ses deux premières années de vie il fréquente les amas de petits blocs rocheux des zones littorales, par moins de 5 m de fond. Il partage alors son habitat avec d'autres poissons comme les serrans ou certains labres. Par la suite, grandissant et prenant du poids, il se déplace vers des fonds de 10 à 15 m pour rechercher notamment des trous plus à sa taille. La maturité sexuelle est tardive (5 ans). Le développement sexuel est de type hermaphrodite successif protérogyne et l’inversion sexuelle se fait aux environ de 10 ans. La reproduction a lieu en été. La maturation sexuelle des femelles s’effectue au-dessus de la thermocline et les groupes reproducteurs se livrent à des comportements particuliers (ascensions reproductives décrites par la bibliographie). Jusqu'à l'âge de 5-6 ans, le mérou est très vulnérable. Vivant près de la surface, il a longtemps été la proie des chasseurs sous-marins et des pêcheurs à la ligne. Ses effectifs ont décliné à partir des années soixante-dix.

En raison des menaces dont il est l’objet, le mérou est inscrit à l’annexe 3 de la convention de Berne du 19 septembre 1979 relative à la conservation de la vie sauvage et du milieu naturel de l’Europe (JORF du 28/08/1990 et du 20/08/1996). Il est également inscrit à l’annexe 3 de la liste de référence d'espèces pour la sélection des sites à inclure dans les inventaires nationaux de sites naturels d’intérêt pour la conservation (Aires Spécialement Protégées-Convention de Barcelone).
 
En France, la chasse sous-marine du mérou est interdite depuis 1983 autour de la Corse et depuis 1993 sur les côtes continentales. L’arrêté préfectoral interdisant la pêche sous-marine des mérous autour des eaux de la Corse vient d’être reconduit jusqu’en 2012 grâce à un consensus général réunissant l’ensemble des usagers de la mer. Sur les côtes continentales, cette interdiction est valable jusqu’à la fin de l’année 2007. La chasse sous-marine du mérou est également interdite dans le périmètre de la Réserve naturelle des Bouches de Bonifacio (article 15 du décret du 23 septembre 1999).
 
Dans le débat sur la reconduction de cette interdiction, l’Office de l’Environnement de la Corse a mis à disposition les principaux résultats scientifiques obtenus, depuis près de vingt ans, dans les réserves naturelles des Bouches de Bonifacio et de Scandola. L’ensemble de ces études a été réalisé en collaboration avec le Groupe d’Etude du Mérou (G.E.M.), association fondée en 1986 par les représentants de quatre espaces marins protégés de Méditerranée française que sont le Parc National de Port-Cros, les Réserves Naturelles de Cerbère-Banyuls, de  Scandola et des îles Lavezzi, puis élargie aux scientifiques universitaires français et étrangers (Espagne, Italie, Monaco, Algerie, Tunisie…), aux plongeurs et aux chasseurs sous-marins. 

A partir de 1991-1992, des mérous de très petite taille ont été observés sur nos côtes. Bien que recensés tout autour de la Corse il ne s’agit souvent que d’individus sexuellement immatures. Dans les zones protégées, la proportion de mâles et de femelles a cependant retrouvé un équilibre favorisant la reproduction. Simultanément, une légère modification des conditions hydroclimatiques en Méditerranée nord-occidentale, entraînant un réchauffement des eaux, pourrait avoir facilité le développement des oeufs et juvéniles de mérous.
Les derniers travaux menés dans le parc marin international entre Corse et Sardaigne permettent de mieux comprendre la biologie et l’écologie de cette espèce et surtout de tirer en enseignement des expériences de gestion pratiquées sur ses populations.
La quantité de mérous rencontrée (biomasse) est 18 fois plus importante dans les zones protégées et surveillées (Fig.1).
Résultats des études sur la biomasse de mérous basés sur les inventaires exhaustifs des populations d’Epinephelus marginatus sur 300 ha (zones de Scandola, Moines, Capo di Feno, Calasciumara, Lavezzi, Cerbicale, nord Sardaigne).
Résultats des études sur la biomasse de mérous basés sur les inventaires exhaustifs des populations d’Epinephelus marginatus sur 300 ha (zones de Scandola, Moines, Capo di Feno, Calasciumara, Lavezzi, Cerbicale, nord Sardaigne).

E.Volto
E.Volto
Dans les zones non protégées du sud de la Corse et du nord de la Sardaigne, les indices d'abondances de mérous sont faibles. Les rares mérous adultes sont souvent recensés à plus 30 mètres de profondeur et adoptent un comportement extrêmement farouche par rapport aux plongeurs. La maturation sexuelle s’effectuant sous la thermocline, les  reproducteurs localisés à ces profondeurs, sont certainement désavantagés.
 
Il est communément répandu que les captures des gros individus sont nécessaires pour une bonne gestion de l’espèce et globalement de l’environnement marin littoral… Pourtant après trois années de suivis éthologiques, sur le site de reproduction du Pellu, dans la Réserve naturelle des Bouches de Bonifacio, il s’avère que les grands mâles sont ceux qui ont l'activité territoriale la plus importante et certainement la plus efficace pendant la période de reproduction.
 
De son côté l’augmentation du nombre de mérous ne s’accompagne pas d’une diminution des effectifs parmi les autres espèces. Ainsi sur le site de Becchi (archipel des Lavezzi), le nombre de mérous recensés en plongée et en apnée a  augmenté, passant de moins de 10 individus en 1989 à environ 65 en 2002. Dans le même temps, sur la foi des suivis (comptages visuels selon la méthode du « point fixe », évaluation de la biomasse moyenne, indices d'abondances numériques d’espèces diurnes nectobenthiques, inféodées au biotope rocheux de l'infra littoral et relativement sédentaires) effectués entre 1992-1993 et 2000-2001 autour des Lavezzi, on enregistre une augmentation significative des populations de poissons partageant le biotope du mérou.

Par ailleurs, si l’analyse statistique de l’ensemble des données issues des campagnes réalisées, la dernière datant de  septembre 2005, au sud de la Corse et au nord de la Sardaigne dans les milieux rocheux, montrent des différences importantes entre zones protégées et non protégées, il est intéressant de constater que les quantités de poissons (toutes espèces confondues) sont particulièrement élevées dans les zones de forte densité de mérous comme aux Lavezzi sur le site de Becchi et de la Tour Lavezzi, aux Moines, aux Cerbicale et dans la réserve intégrale Palazzu à Scandola.

Dans les zones protégées de Corse et de Sardaigne, l’augmentation même spectaculaire des effectifs de mérous, ne provoque donc pas de réduction chez les autres espèces de poissons. Les autres espaces protégés de Méditerranée pourraient fournir divers exemples confirmant les tendances observées chez nous. Le débat sur les grands prédateurs est vaste et les éléments les plus contradictoires peuvent circuler. Concernant le mérou, en l’état actuel de nos connaissances, nous ne pensons pas qu’il puisse être considéré comme un déstabilisateur potentiel. Bien au contraire, il pourrait peut être même jouer un rôle bénéfique de super-prédateur benthique permettant un meilleur équilibre de l’ensemble du réseau trophique de l’infralittoral méditerranéen.
 
La chasse sous-marine du mérou est interdite en Corse depuis une vingtaine d’années. Si la situation décrite ci-dessus est aussi préoccupante pour les mérous à l'extérieur des zones protégées, c'est donc du côté des braconniers qu'il convient d’en chercher la cause...Certaines nouvelles pratiques de pêche plaisancières peuvent également aujourd’hui devenir dévastatrices pour les populations de ce poisson. Il ne s’agit pas de stopper toutes formes de prélèvements à long terme mais de mieux définir les prélèvements permettant à tous de profiter de ce poisson emblématique. Au-delà du souci consistant à léguer aux générations futures cette espèce patrimoniale, il convient de souligner que ce poisson est également le support d’un développement économique, pour l’activité traditionnelle de pêche mais aussi pour l’activité de plongée.
 
La pêche artisanale, y compris celle du mérou, est autorisée autour des îles Lavezzi. La chasse sous-marine y est interdite depuis plus de 20 ans mais la plongée d’observation, particulièrement développée y constitue un élément majeur de valorisation économique et touristique. Les effectifs de mérous, en augmentation, y sont beaucoup plus importants qu’ailleurs.

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