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L'acelli marini

Les oiseaux marins



Les oiseaux marins sont une composante importante de l’environnement marin méditerranéen. En Corse, les principales espèces présentes sont le Cormoran huppé de desmarest, le Goéland d’Audouin, le Puffin cendré, l’Océanite tempête et le Balbuzard pêcheur. Compte tenu des menaces qui pèsent sur cette avifaune marine, la Corse, consciente de sa responsabilité en la matière a engagé des mesures de protection des principales colonies reproductrices dès les années 1970.

Photos : Parc marin international
Photos : Parc marin international
Le cormoran huppé de Desmarest est une sous-espèce endémique de la Méditerranée et de la mer Noire. Il se distingue de la sous espèce présente en Atlantique (forme nominale) par sa taille un peu plus petite, son bec plus long, sa huppe plus courte et la couleur beaucoup plus claire du plumage des juvéniles. Il fréquente les îles et les côtes de la Méditerranée et de la mer Noire. Comme la sous-espèce atlantique, son habitat est essentiellement côtier et il est rarement rencontré au delà des limites du plateau continental. En France, ce cormoran niche en Corse et, depuis 2000, sur les côtes du Midi dans l’archipel de Riou. Les principales colonies sont situées sur des îlots et localement dans des falaises continentales ou des grandes îles.
 
En Méditerranée, la saison de reproduction est principalement hivernale. En Corse, des oiseaux sont présents sur les sites de nidification de décembre à juillet. La période de ponte se situe de décembre à fin mars, et peut varier selon les années et les sites. A partir de mai-juin et jusqu’à l’automne, une grande majorité des cormorans huppés corses se dispersent sur les côtes rocheuses de l’île et du nord de la Sardaigne d’où proviennent 94 % des reprises d’oiseaux bagués. La distance moyenne de dispersion à partir des sites de nidification est de 76 km chez les oiseaux âgés de moins de deux ans et de 48 km chez ceux de plus de deux ans. Cependant, deux reprises de jeunes oiseaux bagués en Corse ont été effectuées dans le midi de la France et aux Baléares.

Photos : Parc marin international
Photos : Parc marin international
Le cormoran huppé de Desmarest est signalé dans les principales îles de Méditerranée au Pléistocène moyen et supérieur. En Corse, il apparaît dans les restes de repas de l’abri d’Araguina (Bonifacio) au Néolithique ancien et les fouilles de la Chapelle Santa-Maria de l’île Lavezzi indiquent qu’il nichait sur cet îlot aux 15ème-18ème siècles.
 
C’est Michel Brosselin qui effectua le premier recensement de quelques sites de nidification localisés dans le sud de l’île. En mai 1975, il estime à 230-300 couples les effectifs nicheurs des îles Cerbicale. Pour cette même année, Jean Claude Thibault & Isabelle Guyot indiquent que la population nicheuse s’élève à 150 couples sur la façade maritime du Parc naturel régional de Corse.
 
Depuis les années 1970, l’espèce était en régression dans l’ensemble de son aire de répartition. La population française nicheuse avait chuté de 800-1 000 couples en 1981-1982 à 330-384 couples en 1994, avant de croître de nouveau à 782-809 couples en 2001. Ceux-ci représentent entre 5 % et 10 % de la population mondiale de cette sous-espèce, estimée à un maximum de 10 000 couples. Les espaces protégés corses (réserves naturelles et zones de protection spéciale) incluent 90% des effectifs dont plus de 50% dans la réserve naturelle des Bouches de Bonifacio. Le plan d’action international qui vient d’être adopté fixe des objectifs de conservation de cette espèce pour l’ensemble des pays de la Méditerranée.

Les principales colonies sont situées dans la réserve naturelle des Bouches de Bonifacio (partie sud de la Corse : archipels des Lavezzi et Cerbicale, îlots des Bruzzi et Tonnarra avec 50-60 % de la population française), les îles Sanguinaires (15-25 %) et dans les falaises et îlots de la côte occidentale (façade maritime du Parc naturel régional : 15-20 %). Des colonies de moindre importance se sont installées depuis 1984 au Cap Corse (îles Finocchiarola) et 1987 en périphérie du golfe d’Ajaccio (île de Piana, îlots de Lava).
 
Les recensements réguliers réalisés entre 1978 et 1994 ont mis en évidence une variation interannuelle des effectifs, parfois très importante, quelle que soit la taille des colonies, une dispersion fréquente des reproducteurs et une diminution globale des effectifs de plus de 60 % entre 1982 (estimation de 1 000 couples) et 1994 (330-384 couples). Cependant à partir de 1994, la population corse a connu une augmentation d’au moins 100 %, dépassant les 780 couples en 2001.

Photos : Parc marin international
Photos : Parc marin international
Sur les sites de nidification du sud de la Corse (îles Lavezzi et Cerbicale), le nombre des reproducteurs avait diminué entre 1982 (675 couples) et 1994 (124-155 couples) et les quelques adultes nichant dans ces secteurs avaient alors une très faible productivité en jeunes. Cette population nicheuse a plus que doublé entre 1994 et 2000-2001 (287-344 couples). Depuis 1998, les variations interannuelles sont significatives pour certaines colonies comme Ratino, Lavezzi et Bruzzi.
 
Une augmentation est également notée depuis 1999 dans l’archipel de la Maddalena, partie sarde des Bouches de Bonifacio. Les parties corses et sardes du périmètre du projet de Parc marin international des Bouches de Bonifacio abritent au moins 10 % de la population de cette sous-espèce.
 
Cette tendance positive a également été relevée en 2001 sur la façade maritime du Parc naturel régional avec un effectif de 140-150 couples en nette augmentation depuis 1994, équivalent à celui des années 1980. Dans le golfe d’Ajaccio, l’effectif a été multiplié par six entre 1994 et 2001. Dans le Cap Corse, l’effectif recensé de la colonie de Finocchiarola est stable depuis 1998. L’ensemble de ces comptages récents traduit donc une amélioration de la situation démographique du cormoran huppé de Desmarest en Corse par rapport à 1994.

En Méditerranée, même si les effectifs de cormorans huppés de Desmarest ne sont pas connus avec une grande précision, on estime que la population est en diminution. En Corse, il semble que les variations d’effectifs reproducteurs et de production en jeunes soient essentiellement corrélées à des fluctuations des ressources alimentaires. Il est intéressant de noter dans les suivis ichtyologiques de l’Office de l’Environnement de la Corse, une augmentation, depuis une dizaine d’années, des densités moyennes des espèces de poissons benthiques (labridés, serranidés et sparidés) entre 10 et 20 mètres de profondeur dans les Bouches de Bonifacio. Ces espèces de poissons constituent une part non négligeable du régime alimentaire des cormorans huppés de Desmarest en Corse. L’augmentation de ces stocks de poissons pourrait donc expliquer, au moins partiellement, l’accroissement des populations de cormorans huppés dans les Bouches de Bonifacio pendant la même période. Les variations non quantifiées des stocks de petits poissons pélagiques comme les ammodytidés, athérinidés et centracanthidés pourraient également avoir une influence sur cet accroissement en raison de leur importance dans le régime alimentaire des poussins de cormoran. Comme pour les populations de Phalacrocorax aristotelis d’Atlantique, l’adaptation à ces fluctuations des conditions environnementales pourrait expliquer pour partie les variations interannuelles des effectifs sur les sites de ponte. Les perturbations liées aux activités humaines peuvent également être en cause dans l’abandon des colonies. En Corse, près de 80 % des cormorans huppés de Desmarest nichent dans des aires protégées et surveillées. Des captures accidentelles des jeunes dans les filets des pêcheurs professionnels étaient relevées au printemps par Guyot. Dans les Bouches de Bonifacio, d’avril à juin, la pêche artisanale oriente son effort de pêche à proximité immédiate des côtes, parfois avec des filets d’une hauteur de 3 mètres, souvent calés depuis un rocher. En 1992 et 1993, un seul pêcheur pouvait capturer jusqu’à 11 jeunes cormorans par jour à proximité de l’île de Piana dans l’archipel des Lavezzi. Ces pratiques halieutiques constituent donc la principale menace d’origine humaine directe pour les cormorans huppés de Desmarest corses en éliminant un nombre important de futures recrues potentielles.
 

Photos : Parc marin international
Photos : Parc marin international
Un plan d’action international définit les priorités de conservation et les actions à mener pour l’ensemble des pays méditerranéens. Il fixe des objectifs à court terme de maintien des populations actuelles et à moyen terme de conservation durable des habitats permettant l’accroissement des populations et l’extension de la distribution du cormoran huppé de Desmarest. La France devra établir un plan d’action national pour cette sous-espèce. La connaissance et la réduction des impacts de la pêche professionnelle artisanale en périphérie des zones de reproduction demeurent une priorité pour la conservation du cormoran huppé en Corse.
 
Les dérangements fréquents des colonies et les pollutions pétrolières accidentelles constituent une menace importante pour cette sous-espèce sur l’ensemble de son aire de répartition. Les prises accidentelles dans les filets et les réductions d’habitats favorables peuvent être considérées localement comme extrêmement négatives. Les effets de la diminution des stocks de poissons, des pollutions chimiques, de la compétition interspécifique et des espèces introduites comme le rat noir Rattus rattus sont moins connus, mais peuvent également avoir un impact non négligeable sur la dynamique des populations de cette espèce.

De 50 à 80 % des effectifs de l’île se reproduisent dans les quatre réserves naturelles de Corse. Les autres colonies devraient pouvoir bénéficier de mesures de gestion adaptées dans le cadre de Natura 2000 et/ou de nouvelles réserves naturelles. Néanmoins, il demeure que le passage de navires transportant des matières dangereuses dans les Bouches de Bonifacio constitue une menace non négligeable pour la conservation de la population de cette région.
 
Afin de mieux comprendre le fonctionnement de cette population, les suivis annuels des principales colonies reproductrices ont été relancés depuis 2002 en Corse et dans le nord de la Sardaigne. Un programme de baguage des poussins pourrait être réactivé dès 2003 en Corse et étendu dans le nord de la Sardaigne. Les échanges entre colonies pourraient ainsi être quantifiés et corrélés aux conditions écologiques affectant les ressources alimentaires ou d’éventuels facteurs de perturbations d’origine humaine.