Farfalle di Corsica

Papillons de Corse



Avant-propos

A la découverte des papillons de Corse…
Par Marie-Cécile ANDREI-RUIZ (Unité « Observatoire Conservatoire des Insectes de Corse »)

Parmi les Insectes, les papillons occupent une place à part. Même les plus farouches détracteurs de l’entomofaune s’accordent à leur reconnaître une place dans nos jardins, au moins en ce qui concerne les plus beaux papillons de jour. Moins appréciées, car grandes dévoreuses de plantes, les chenilles sont pourtant l’indispensable étape avant que le papillon enchante nos printemps de son vol gracieux.
L’Office de l’Environnement de la Corse (OEC), à travers son unité OCIC, s’investit pour une meilleure connaissance des papillons de Corse. Dans ce cadre, l’OCIC participe au STERF (Suivi TEmporel des Rhopalocères Français), une étude sur le long terme menée sous l’égide du Muséum National d’Histoire Naturelle, et réalise des études de terrain, à l’occasion desquelles notre collection de référence s’enrichit.
Ce premier dossier sur les papillons de Corse, essentiellement consacré aux papillons de jour, vous propose d’aborder quelques notions de base sur les lépidoptères, et de découvrir quelques espèces parmi les plus belles, les plus rares, ou au contraire les plus communes de l’île.



C’est quoi un papillon ?

Il s’agit d’un ordre, qui comprend classiquement deux grandes divisions : Les Rhopalocères ou papillons de jour, dont les antennes sont terminées en massue. Les Hétérocères ou papillons de nuit, dont les antennes sont « plumeuses » pour les mâles, plus filiformes pour les femelles.
Rhopalocères & Hétérocères © O.E.C.

Comme tous les insectes, le corps des Lépidoptères adultes est composé de trois parties : la tête, le thorax, et l’abdomen : La tête porte 2 antennes, les yeux, et généralement des pièces buccales de type suceur, avec une trompe enroulée. Certaines espèces, comme par exemple le bombyx disparate, présentent des pièces buccales atrophiées. Les adultes ne peuvent se nourrir, et ont donc une vie courte. Le thorax porte deux paires d’ailes, et trois paires de pattes. Les ailes des papillons sont ornées d’écailles colorées, formant des dessins et parfois des tâches (macules), dont la présence dans les différentes aires (cf. schéma) est souvent caractéristique de l’espèce. Le critère absolu pour la reconnaissance des espèces reste l’étude des pièces génitales, mais la plupart des espèces de rhopalocères de Corse peuvent se reconnaître par la simple observation de leurs ailes.
Tous les insectes appartenant à ce groupe sont des Holométaboles, c’est-à-dire des insectes à métamorphose complète. En effet, les individus issus de l’œuf, qui passent par plusieurs stades avant de parvenir à la métamorphose finale, ne ressemblent pas aux futurs adultes : la chenille ne présente que peu de points communs avec le futur papillon. L’étape intermédiaire entre la larve et l’adulte est la nymphe, également appelée chrysalide.
Schéma : J.GUGLIERI

Une faune diverse et relativement bien connue

Plus de 200.000 espèces de papillons sont connues de par le monde, dont plus de 8.000 en Europe.

L’ensemble du peuplement français est estimé à 5.111 espèces par Leraut (1997). La faune des Lépidoptères est généralement bien étudiée, et les populations de Corse ne font pas exception à la règle. De très nombreuses publications sont disponibles (Orousset, 1992), et deux ouvrages majeurs ont été publiés : Rungs (1988) dresse un premier bilan des papillons de l’île, et Brusseau & Nel (2004) complètent et mettent à jour ce premier travail.

Le catalogue des lépidoptères de Corse, réalisé par Rungs (1988) ne fait état que de 1.386 espèces pour la Corse, alors qu’à l’époque environ 4.800 espèces étaient déjà connues pour la faune française. Depuis, de nouvelles espèces de papillons ont été découvertes en Corse, mais la différence reste énorme. De fait, plusieurs familles et genres connus hors de l’île n’ont jamais été observés ici, notamment les célèbres Parnassius, Erebia, etc.

Brusseau & Nel (2004) retirent 45 espèces de la liste Rungs, et en rajoutent 265 (dont 105 restent toutefois encore à confirmer). Le nombre total d’espèces présentes en Corse serait donc compris entre 1501 et 1606.

Par contre, toujours d’après Leraut (1997), 137 espèces (et 84 sous-espèces) ne se rencontrent qu’en Corse pour la faune française, soit de part leur nature endémique, soit parce qu’elles sont en limite nord de leur répartition géographique.

Photo : V.RUIZ (AROBASE)
Espaces et espèces : l’exemple du site du Cuscione
Chaque milieu possède un peuplement d’insectes qui lui est propre. Ce peuplement se compose d’espèces ubiquistes, très tolérantes en termes de répartition altitudinale ou autre, et d’espèces plus exigeantes, nécessitant des conditions particulières pour se développer.Parmi les grands types de milieux que l’on rencontre en Corse, ceux liés à la haute altitude sont des plus intéressants. En effet, en altitude, le pourcentage d’espèces endémiques est élevé. De plus, ces sites sont généralement d’accès difficile, donc plus ardus à explorer. Les découvertes y sont souvent au rendez-vous ...A la lumière des études réalisées à ce jour, le site du Cuscione semble fort intéressant et a d’ailleurs été proposé au titre du réseau Natura 2000 (site FR9400582). Un petit nombre d’insectes (40 espèces déterminées à ce jour) sont actuellement connus du Cuscione, mais on peut noter un fort taux d’endémisme (25 %), et pour certains une valeur patrimoniale certaine (espèces rares et/ou protégées, espèces de la Directive Habitats, etc.).
Notamment, ce site abrite des populations importantes des deux papillons de jour protégés Fabriciana elisa et Papilio hospiton. Parmi les Hétérocères (ou "papillons de nuit"), on notera la présence d’une espèce endémique, Ocnogyna corsica, d’ailleurs décrite par Rambur en 1832 (famille des Arctiidae), commune en Corse, et dont les chenilles se développent sur diverses composées.
La famille des noctuelles est représentée par 8 taxons, dont 6 ne se rencontrent qu’en Corse pour la faune française. Notons Agrotis exclamationis sous-espèce corsica décrite par Rungs en 1977, une espèce qui porte l’amusant nom de "point d’exclamation corse"...

Photo : V.RUIZ (AROBASE)
Véritable intrus parmi les papillons de nuit, le Moro-sphinx (Macroglossum stellatarum (Linné 1758)), a une activité diurne. Observable de juin à septembre, ce migrateur pratique le vol stationnaire, d’où son surnom d’oiseau-mouche. Infatigable, il vole de fleur en fleur, montrant une nette préférence pour celles de couleur bleue et violette. Sa chenille se développe principalement sur les Galliums. C’est une espèce commune en Corse.

Parmi les Rhopalocères (ou "papillons de jour"), on peut facilement observer de très belles espèces, comme :

Photo : V.RUIZ (AROBASE)
Le Bronzé commun (Lycaena phlaeas Linné 1761), qui fréquente divers biotopes fleuris. On peut le rencontrer de février à novembre, en 2 à 4 générations successives.

Photo : V.RUIZ (AROBASE)
Le Tabac d’Espagne (Argynnis paphia Linné 1758), qui vole de juin à septembre, se rencontre fréquemment en Corse, de la plaine à la montagne. Sa chenille consomme diverses espèces de violettes.

Photo : V.RUIZ (AROBASE)
La Belle-Dame (Cynthia cardui Linné 1758), est une espèce migratrice en provenance des régions du sud. Elle fréquente des milieux divers, comme les friches ou les bois, ainsi que les jardins. Plus d’une trentaine de plantes hôtes différentes sont connues pour sa chenille (chardons, mauve, vipérine, bourrache, plantain et pariétaire, entre autres).

Photo : V.RUIZ (AROBASE)
Le Petit Nacré (Issoria lathonia Linné 1758) est également un migrateur régulier, qui fréquente les prairies et les friches ensoleillées. Il vole de janvier à novembre, en 2 ou 3 générations. Les chenilles consomment diverses violettes, et parfois la bourrache

On peut également rencontrer des papillons endémiques, comme :

Photo : Laurent SORBA (OEC)
Le Fadet tyrrhénien (Coenomympha corinna Hübner 1804),  vole de mai à septembre, en 1 ou 2 générations selon l’altitude. Il fréquente les pelouses et clairières, où la chenille se nourrit de graminées

Photo : V.RUIZ (AROBASE)
Le Mercure tyrrhénien (Hipparchia neomiris Godart 1824), s’observe de juin à août, en 1 seule génération. Assez répandu en Corse, il fréquente principalement les pelouses et lisières sèches, et se rencontre surtout en altitude. Les chenilles consomment des Poacées (graminées) qui restent à identifier

Photo : V.RUIZ (AROBASE)
Ou encore : le mythique et protégé Nacré tyrrhénien (Fabriciana elisa Godart 1823), observable de juin à août, dans les clairières et lisières de forêts, en altitude (entre 500 et 2000 mètres). Les chenilles consomment les violettes, notamment Viola corsica

Coup de projecteur sur...Papilio hospiton, une espèce phare endémique cyrno-sarde

Photo : V.RUIZ (AROBASE)
Papilio hospiton est un endémique strict de la Corse et de la Sardaigne (endémique cyrno-sarde) ; on ne le trouve nulle part ailleurs au monde. C’est un élément considéré comme à affinités asiatiques, mais d’après Pierron (1990), sur la base de croisements expérimentaux effectués avec Papilio saharae, P. hospiton serait plus proche des espèces africaines que de P. machaon, l’autre espèce du genre Machaon présente en Corse.
Aucune différence raciale valable n’a jamais été notée entre les populations de Corse et celles de Sardaigne. Papilio hospiton présente assez peu de variations individuelles, hormis l’extension plus ou moins grande des suffusions noires. Il n’y a pas non plus de dimorphisme sexuel marqué.

Photo : D.DAMIANI (OEC)
Papilio hospiton est facilement distinguable de Papilio machaon (Photo ci-contre), également présent en Corse ; la littérature cite de nombreux cas d’hybrides entre ces deux espèces, hybrides produits en laboratoire (accouplements provoqués), obtenus d’élevages à partir de chenilles prélevées dans la nature, et également imagos capturés dans la nature…

Papilio hospiton peut s’observer de mars à août.

Il n’a qu’une seule génération, mais avec des émergences très échelonnées dans le temps (deux mois minimum). La femelle pond ses œufs isolément, au gré de son vol. Si les plantes nourricières sont abondantes, peu d’œufs sont pondus par plante ; si au contraire elles sont rares, on pourra trouver plusieurs œufs par plante. L’éclosion se fait 8 à 10 jours après la ponte.

Une dizaine de jours s’écoulent ensuite entre chaque stade. La chrysalide va donc se former 30 à 40 jours après la ponte, et va hiverner. Les émergences se produiront l’année d’après, à partir du mois de mars (à basse altitude).

Cependant, quelques observations d’émergences d’imagos au mois de juillet, donc sans hivernation de la chrysalide, ont été rapportées. Il pourrait s’agir d’une tendance possible de cette espèce à développer une seconde génération (seconde génération partielle représentant environ 20 % des chrysalides).

Le biotope préférentiel du porte queue de Corse semble être le maquis des régions montagneuses, où l’espèce est connue pour son aptitude au “hill-topping” (vol rapide, des mâles essentiellement, utilisant les courants ascendants en direction du sommet des crêtes).

Il est surtout présent là où sa principale plante nourricière (Ferula communis) pousse en quantités suffisantes, de 0 à environ 700 mètres.