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A patella gigante

La patelle géante



E.Volto
E.Volto
Dans les espaces protégés de Corse, les invertébrés marins font l’objet d’études et de suivis scientifiques. Parmi ces espèces la Patelle géante est sans doute l’une des plus emblématique.
Comme tous les coquillages, la patelle ferrugineuse est un mollusque gastéropode, comptant parmi les deux mille vingt six espèces de mollusques (dont mille huit cent cinquante coquillages ) de Méditerranée.
Beaucoup de mollusques présentent une adaptation originale à certaines formes de vie, depuis la terre ferme, jusqu’aux eaux douces et aux milieux marins. L’évolution des mollusques marins est fortement orientée vers la vie benthique, c’est à dire inféodée au fond des mers et des océans. Cependant, certains comme les gastéropodes pélagiques et les céphalopodes (ces derniers étant considéré comme les plus « évolués » des mollusques) ont quittés leur support pour se déplacer à proximité du fond ou le long de la colonne d’eau. Les mollusques gastéropodes n’ont que très peu évolué dans le temps et les patelles font partie des moins mobiles d’entre eux.
Les premières descriptions de la patelle géante ont été réalisées par un naturaliste en 1791 qui l’a classé parmi le genre patella. Le nom de son découvreur est classiquement associé au nom de l’espèce ainsi baptisée ferruginea . Les scientifiques la dénomme donc : Patella ferruginea Gmelin, 1791 (Mollusca : Gasteropoda).
D’après R Miniconi, la patelle ferrugineuse ou patelle géante ou bien encore foncée est dénommée à Maccinaghju : a Patella, à Centuri : l’Ochje di prete, à Bastia : a Lappera grande, à San Fiurenzu : a Labbera maio, à Calvi : a Labbera maio-U Prete, à Aiacciu : a Patella sumirina, à Pianottuli : a Patella maiora, à Bunifaziu : a Patilla muntagnata, à Portivechju : a Laparedda maiora.
La patelle ferrugineuse vit dans la partie inférieure de l’étage médiolittoral, zone située entre les niveaux des plus basses et des plus hautes mers. Elle partage son habitat avec trois autres espèces de patelles : la patelle pointue, la patelle moussue et la patelle plate.
Aux îles Lavezzi, le suivi réalisé depuis 1992 par les universitaires et par le service de suivi scientifique de la Réserve naturelle des Bouches de Bonifacio de l’Office de l’Environnement de la Corse montre une répartition corrélée positivement à l’hydrodynamisme. Les secteurs orientés aux fortes houles d’ouest des Bouches de Bonifacio sont les plus densément peuplés. Dans le Cap Corse, les zones les plus exposées sont également les plus favorables.

L’animal est protégé par une coquille élaborée à partir d’éléments de l’eau de mer et de gaz carbonique issus du métabolisme et transformés en grande partie en calcaire, dans un organe situé en arrière de la tête : le manteau.

Sous la coquille, la tête est assez nettement caractérisée avec une bouche plus ou moins ventrale et deux tentacules sensoriels près de la bouche. Le pied est l’organe locomoteur de la patelle. Il est composé d’une masse musculeuse qui adhère au substrat et lui sert de ventouse. Comme tous les mollusques gastéropodes, les bouches des patelles sont dotées d’une radula qui est un organe particulier permettant à l’animal de brouter les algues des rochers. Cet organe est composé de dents disposées symétriquement par rangées et actionnées par des muscles. Les premières études relatives au régime alimentaire des patelles ferrugineuses ont été menées aux Lavezzi en 1986. Elles montrent une prédominance des algues localement abondantes comme les Ralfsia et les Rissoella.
Patella ferruginea est très peu mobile. Deux types de mouvements sont observables, l’un lié à la respiration de l’animal et l’autre aux déplacements. Ces derniers sont limités à quelques mètres de son « domicile » et n’excédent pas plus de dix jours. La patelle possède en effet une zone qui constitue son refuge. Il s’agit d’une zone ovale montrant l’empreinte ronde nue et entourée d’une auréole mauve ou blanchâtre au diamètre exact de la coquille.
On ne connaît pas grand chose de la durée de vie de la patelle ferrugineuse et de sa croissance. On suppose que les jeunes ont une croissance très forte qui se ralentit avec l’âge. Dans l’état actuel de nos connaissances, nous pensons que l’accroissement de la coquille répond à deux rythmes distincts. Le premier, saisonnier est lié à la croissance biologique normale, le deuxième, irrégulier résulte des changements de domicile. Dans le second cas, l’animal doit secréter les matériaux nécessaires à l’ajustement de sa coquille à un emplacement nouveau. Il peut arriver que la coquille rétrécisse pour s’adapter à ces nouvelles conditions de vie. Des variations de formes et de colorations de la coquille sont également notées selon les régions, témoignant de la grande faculté d’adaptation de l’espèce.

L’Office de l’Environnement de la Corse a initié des études sur sa croissance en mettant au point une méthode de marquage. Des petites puces électroniques de 8mm de longueur sont collées sur les coquilles d’une taille supérieure à 40 mm. Au passage d’un récepteur, le numéro de la puce s’affiche sur un écran et permet donc une identification personnalisée et certaine de l’individu marqué. Les premiers résultats sont encourageants et devraient aboutir à échéance de deux ou trois ans.
L’espérance de vie des patelles est estimée à environ 10-12 ans. Le plus grand exemplaire connu mesurait 110 mm de longueur.
Les rares études qui ont été réalisées sur leur reproduction nous apprennent que les patelles sont hermaphrodites protandres, c’est à dire qu’elles sont d’abord mâles et changent de sexe pour devenir femelles. D’après des observations réalisées en Algérie et en Corse, la période de reproduction se situe entre septembre et décembre. Il est connu que chez les mollusques, l’évacuation des produits sexuels peut être provoqué par le contact de l’eau après une période d’exposition à l’air ou par un choc thermique résultant d’une brusque variation de la température de l’eau de mer ou d’une différence de température entre l’air et l’eau.

A patella gigante
Le manque de données est malheureusement complet en ce qui concerne le cycle de la larve de cette espèce. Cependant, en raison de la taille élevée des ovocytes des femelles et de leur forte densité, nous pouvons penser que les stades pélagiques durent de quelques jours à quelques semaines et que leur dispersion reste limitée. La fixation des jeunes pourrait certainement être compliquée en raison de l’attraction particulière de ces derniers pour la coquille des grands individus (c’est le phénomène de la phorésie).
Ces deux dernières informations sont très importantes et expliquent que la reproduction reste localisée à la périphérie des secteurs encore peuplés et que la fixation des très jeunes individus dans leur milieu soit difficile.
Les prédateurs des patelles sont les crabes et les goélands essentiellement sur les petites tailles. Le coquillage Thaïs haemastoma constitue sans doute un prédateur important avec son puissant pied qui lui permet de décoller les petites patelles surtout quand elles sont en déplacement. Les grandes patelles n’ont pratiquement pas de prédateurs naturels et l’homme a toujours constitué une menace pour elles.
Originellement, l’aire de distribution de Patella ferruginea est limitée au bassin occidental de la Méditerranée.
Elle était connue à l’est de Gibraltar et dans les Alpes Maritimes à l’époque du Pléistocène, période la plus ancienne du quaternaire qui a vu l’apparition de l’homme. On trouve des coquilles dans les restes de repas de communautés humaines datées entre 70 000 et 35 000 ans av J.C. On la retrouve également dans les fouilles du pré-néolithique (9 000-7 000 av J.C) du site de l’Araguina à Bonifacio. De nombreux gisements du néolithique et du paléolithique en France continentale, Sardaigne, Sicile et en Espagne présentent des restes de coquilles de ce mollusque.
Une réduction de la taille de la patelle ferrugineuse a été démontrée sur les îles Lavezzi entre le XIVe et le XVIIe siècle. Cette diminution de la taille moyenne des patelles et sa raréfaction à cette époque doit être imputable à une intense collecte effectuée par les pirates et corsaires qui étaient présents dans les criques de l’île Lavezzi à cette époque. Cette prédation a continué aux XIVe- XVIIe siècles lorsque l’île a été peuplée par des bergers.
A l’époque historique l’aire de répartition de l’espèce n’a cessé de rétrécir. Au XIXe siècle, elle était encore présente sur les côtes continentales françaises et considérée comme abondante en Corse. Au début du XXe siècle, elle se raréfie considérablement sur le littoral français continental. En 1932, on considère déjà qu’elle est limitée aux côtes algériennes, marocaines, espagnoles et corses.
Actuellement, cette patelle est encore connue sur les côtes corses, en quelques localités de Sardaigne, sur les îles toscanes, algériennes, marocaines. Elle semble relictuelle en Espagne, probable aux îles Baléares et quelques individus subsistent dans les îles d’Hyères à Port Cros.
En Corse, elle est potentiellement présente sur toutes les côtes rocheuses du Cap aux Bouches de Bonifacio sur toute la façade occidentale. Dans les années 1980, on notait déjà les plus belles populations aux îles Lavezzi et à Scandola. Toutes les autres zones étaient considérées comme en état d’appauvrissement.
La cause de cette raréfaction est bien évidemment la cueillette par l’homme. La patelle a toujours été recherchée pour sa chair, ses grandes dimensions et pour la fabrication de souvenirs décoratifs. En raison de la fragilité de sa population, elle a été protégée en France depuis 1992 et est inscrite à l’annexe IV de la directive européenne « Habitat ». Les espèces inscrites à cette liste nécessitent une protection stricte.
A Bonifacio, les vieux récolteurs de patelles ne décollaient pas de patelles de grandes tailles et préféraient les « patille erbuse » ou Patella ulyssiponensis. Les qualités gastronomiques de la patelle ferrugineuse ne sont pas reconnues par les pêcheurs corses.
Depuis, des études récentes ont été menées afin de mieux connaître sa répartition en Corse et la densité des populations dans les zones où elle est présente. Les côtes sont sectorisées en zones d’études de 10-20 mètres. Tous les rochers sont alors inspectés minutieusement mètre après mètre et toutes les patelles ferrugineuses comptabilisées et mesurées avec un pied à coulisse. Après ce long et fastidieux travail de dénombrement les résultats sont intégrés dans des bases de données. Des densités intéressantes ont été calculées dans le golfe d’Ajaccio sur la digue de la base d’Aspretto interdite au public. Dans le sud de la Corse, les suivis de l’Office de l’Environnement de la Corse ont mis en évidence des zones extrêmement bien protégées sur les zones des Moines et Bruzzi, situées depuis 1999 dans les zones de non-prélévements de la Réserve naturelle des Bouches de Bonifacio. Les îlots des Bruzzi constituent certainement un site de référence présentant des densités extrêmement élevées et des populations composées de nombreux individus de très grandes tailles supérieures à 80 mm.
Dans le Cap Corse, une étude réalisée en 1997 démontre que cette région doit être considérée comme importante pour la Corse. Les populations dénombrées y sont conséquentes et méritent d’être mieux connues pour être efficacement protégées.
Dans toutes zones où l’espèce est connue, y compris dans les zones corses protégées depuis plus de 20 ans comme aux îles Lavezzi ou à Scandola, elle n’est actuellement cantonnée que dans les zones les plus inaccessibles. Depuis le début des années 1990, les gestionnaires de ces espaces ont réalisés de nombreuses actions orientées autour de la protection de ce coquillage. Les activités touristiques ont été mieux encadrées, informées et surveillées. Le résultat des suivis menés aux Lavezzi montrent une spectaculaire augmentation des populations avec 4,7 fois plus de patelles en 2000 qu’en 1992 et un effectif actuel de plus 7 000 spécimens de plus de 20 mm. Depuis, tous les ans, des portions de côtes sélectionnées autour de l’île sont suivies et continuent de montrer des augmentations de population. Les effets de la gestion et la meilleure canalisation du public semblent être très efficaces depuis trois ans. Les accroissements de populations sont les plus importants dans les zones non fréquentées et dans les zones très fréquentées (le public s’auto-contrôlerait-il ?) et beaucoup plus faibles dans les zones moyennement fréquentées (le visiteur en profiterait-il pour faire des cueillettes dès qu’il est plus isolé !!).
La biologie de la conservation est une science qui intéresse la Corse et les corses. Vis-à-vis de cette espèce nous avons un niveau de responsabilité mondiale. Certes la sensibilisation du grand public est plus facile lorsqu’il s’agit des cétacés, du mérou ou des oiseaux de mer mais la valeur patrimoniale de cet animal nous oblige à la protéger, parfaire sa connaissance, renforcer les populations en Corse et aider l’ensemble des régions méditerranéennes à reconstituer in fine les leurs.
 
Il faut stopper toutes les formes de prélèvements en informant la population locale et les touristes et en faisant respecter impérativement la réglementation interdisant, quels que soient le lieu ou la date, de mutiler et de prélever Patella ferruginea.
 
Les trois autres espèces de patelles peuvent être prélevées. Pour éviter de mettre en péril les populations de patelle ferrugineuse ceux qui continuent à récolter les autres patelles, devront apprendre à les distinguer de leur cousine « protégée ». En cas de doute, notamment vis-à-vis des individus les plus petits, ils devront adopter un principe de précaution qui leur évitera de commettre un délit car cueillir cette espèce protégée est un délit aussi grave que celui qui consiste à tuer un aigle royal, un ours ou un dauphin.
Nous présentons ces trois autres patelles sur la base des descriptions du Professeur Laborel et du recueil des savoirs populaires sur les fruits de mers publié par R. Miniconi (ed Albiana).

A patella gigante
Ces trois espèces sont :
 
Patella rustica, patelle pointue ou patelle ponctuée.
  • Maccinaghju : A Labbara pinzuta,
  • Centuri : A Ghjighjanzula di marina,
  • Bastia : A Lappera cuputella,
  • San Fiurenzu : A Labbera pinzuta,
  • Calvi : A Labbera culumbrina- A Labbara liscia,
  • Aiacciu: A Patella gaotta,
  • Pianottuli: A Laparedda pinzuta,
  • Bunifaziu: A Patilla culumbina,
  • Portivechju: A Laparedda pinzuta.
C’est une petite patelle (moins de 40 mm), à coquille épaisse plus ou moins brunâtre, finement striée et conique. C’est un coquillage remarquablement résistant capable monter assez haut par rapport au niveau de la mer et qui vit en populations nombreuses (atteignant plusieurs centaines au mètre carré). C’est une patelle appréciée, principalement au printemps pour ses qualités gastronomiques.

A patella gigante
Patella ulyssiponensis : Patelle moussue ou patelle rude.
  • Maccinaghju : A Labbara murzosa,
  • Centuri : A Lappara murzosa,
  • Bastia : A Lappera murzosa,
  • San Fiurenzu : A Labbera murzosa,
  • Calvi : A Lappara murzosa,
  • Aiacciu: A Patella murzosa,
  • Pianottuli: A Laparedda,
  • Bunifaziu: A Patilla erbusa,
  • Portivechju: A Laparedda murzosa.
 
Elle est petite, à coquille plus mince et plus aplatie marquée d’un petit nombre de grosses côtes paltes et blanchâtres. Cette espèce vit au même niveau que Patella ferruginea mais peut descendre plus bas sous l’eau. Elle est moins abondante que P. rustica. Elle est généralement couverte par un feuillage d’algue photophile). C’est une patelle qui est appréciée, principalement en hiver par les pêcheurs à pied. Attention on peut parfois trouver des Patella ferruginea couvertes d’algues. Dans la crainte d’une confusion entre les deux espèces, on doit éviter de prélever l’animal pour ne pas risquer de tuer inutilement des patelles ferrugineuses.

A patella gigante
Patella caerulea, la patelle plate ou patelle bleue
  • Maccinaghju : A Labbara scudellina,
  • Centuri : A Ghjighjanzula,
  • Bastia : A Lappera negra-Lappera murzosa,
  • San Fiurenzu : A Labbera liscia,
  • Calvi : A Labbara chjappata,
  • Aiacciu: A Patella liscia,
  • Pianottuli: A Laparedda plata,
  • Bunifaziu: A Patilla ciatella,
  • Portivechju: A Laparedda murzosa.
C’est un gros coquillage pouvant atteindre 60 mm de diamètre, caractérisé par une coquille mince et aplatie. Elle peut se trouver dans les flaques d’eau de mer et peut se développer en abondance jusqu’à quelques mètres de profondeur. Les pêcheurs de patelles pensent que c’est la moins bonne de toutes les trois espèces pouvant faire l’objet d’un prélèvement.