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Récifs articiels...Quand le béton a du bon



Il est des zones résidentielles qui s’accroissent pour la bonne cause et qui, loin de nuire aux équilibres naturels, contribuent au contraire à les renforcer ou à les relancer.
Depuis l’été 2017, dans le cadre d’un programme d’actions de valorisation et de protection du golfe d’Ajaccio, classé zone Natura 2000, l’Office de l’environnement y expérimente l’implantation de récifs artificiels innovants. Depuis le 3 juillet, grâce à la collaboration entre l’office et le service des Phares et balises, ce petit hameau sous-marin s’est agrandi avec l’immersion de corps-morts éco-conçus.

D’ordinaire, la seule mission assignée à un corps-mort, c’est de faire le poids. On ne lui demande ni d’être esthétique, ni d’avoir d’autre fonction que celle de lester une bouée de signalisation ou de permettre le mouillage stable d’un bateau. Mais si, tout en remplissant cette mission basique, il pouvait s’avérer utile à la préservation de l’écosystème marin.

Si, plutôt que d’immerger un bête parallélépipède de béton, on imaginait d’installer une structure conçue à la fois pour assurer le lest requis et pour favoriser le maintien voire le retour de différentes espèces sous-marines. Et si on s’attachait à démontrer que non seulement ça ne coûte guère plus cher, mais que ça peut générer un bénéfice réel, tant en termes écologiques qu’économiques ?
Durant l’été 2017, l’Office de l’environnement de la Corse (OEC) avait mis en place dans le golfe d’Ajaccio, au niveau de la plage du
Ricantu, trois protypes de récifs artificiels dans le but de gérer la ressource halieutique, de créer les conditions propices à l’attraction d’espèces à forte valeur marchande pour les pêcheurs professionnels, en reconstituant ce qu’on appelle les biocénoses marines,
c’est-à-dire l’ensemble des êtres vivants – animaux, végétaux et micro-organismes – coexistant dans un espace écologique donné mais aussi leurs organisations et leurs interactions.

Pour leur conception, l’OEC, avait utilisé le «bio mimétisme» en s’appuyant notamment sur la connaissance du milieu qu’ont les pêcheurs et apnéistes locaux afin de cibler plus particulièrement certaines espèces animales et végétales : langoustes, homards, sars et dorades pour le premier module ; barbues, turbots et soles pour le deuxième, tandis que le troisième visait à favoriser la reconstitution de substrats qui auraient été endommagés par des activités anthropiques.

Ces prototypes font régulièrement l’objet de campagnes de suivi–analyses sédimentaires, inventaire floristique et faunistique – et
pour l’heure, les constatations effectuées dans ce cadre sont encourageantes. Sur ce site du Ricantu, considéré comme pauvre du point de vue de la production halieutique, on a pu en effet noter la venue de poissons tels que saint-pierre, sar, chapon, rouget ou
baliste.  

Ce n’est toutefois qu’en fonction des résultats de trois ans de suivi que l’OEC appréciera la nécessité d’installer d’autres récifs.
« La philosophie que souhaite impulser l’office est que les ouvrages ou équipements maritimes peuvent être éco-conçus. C’est-à-dire que leur architecture, leur conception, les éléments qui les composent en font, au delà de leur fonction première, également un abri et un garde-manger pour diverses espèces, qu’il s’agisse de plantes, de poissons, de crustacés ou de mollusques. Pour ce faire, nous travaillons pas-à-pas, explique Alexandra Agostini, assistante principale au département Écosystèmes marins et littoraux de l’OEC.
Plutôt que de lancer d’emblée de vastes projets très onéreux, nous commençons d’abord par expérimenter sur une petite échelle, ce
qui permet de voir ce qui fonctionne, ce qui demande à être amélioré, et d’en tirer les enseignements utiles.»

Une démarche pragmatique qui est aussi gage de crédibilité auprès d’éventuels partenaires financiers.
«La réalisation et l’installation des trois récifs a été entièrement financée par l’OEC, pour un montant de 70000 €, rappelle Alexandra Agostini. Mais si l’expérience s’avère concluante, nous comptons faire appel à des co-financeurs, publics ou privés, afin de développer ce type de projets».
 
Entre-temps, l’expérimentation entreprise dans le golfe d’Ajaccio a été complétée, le 3 juillet dernier, par l’immersion de corps-morts
éco-conçus pour le balisage des zones réglementées par arrêté de la préfecture maritime, au droit de l’aéroport d’Ajaccio, juste
à côté des récifs. Cette zone située dans l’axe de la piste d’atterrissage, où sont interdits pêche, navigation, mouillage des navires
et plongée sous marine, est déjà matérialisée par des balises.
Il s’agissait donc de remplacer les corps-morts traditionnels qui les lestent par des structures permettant d’offrir de « l’habitat supplémentaire » aux espèces ciblées. Cette fois encore, l’OEC a intégralement financé l’opération, pour un montant total de 15000€.
 
« Ces corps-morts, propriété de l’office, sont mis à la disposition du service Phares et balises de la Direction interrégionale de la mer Méditerranée (DIRM), qui a fourni un cahier des charges.»

Après appel d’offres, leur réalisation a été confiée à l’entreprise Isula services, épaulée par les consultants de la SAS Cogite .
 
« Le responsable d’Isula services, Pierre Roy, est pêcheur et apnéiste et connaît très bien les comportements de la faune marine. Sa structure en béton, qui intègre également des éléments tubulaires, mais aussi des coupelles et des coralligènes récupérés par des pêcheurs, a été coulée dans un moule en silicone reproduisant les aspérités d’un récif naturel, afin de favoriser la fixation de la flore et de petits organismes qui sont la base de la chaîne alimentaire.»
 
Tous ces habitats artificiels, explique Alexandra Agostini, « sont proches d’habitats naturels. Ils font en quelque sorte office de nurserie. Une fois que les espèces ont atteint ce qu’on appelle une taille-refuge, elles peuvent donc migrer vers ces habitats naturels.»
Il y a une dizaine d’années encore, se posait la question du fonctionnement des récifs artificiels, on cherchait notamment à déterminer s’ils contribuaient réellement à un repeuplement ou s’ils se bornaient à attirer des espèces, au détriment du peuplement des zones naturelles voisines. Bref, s’ils ne déshabillaient pas Pierre pour habiller Paul. Des travaux de recherche récents, menés au sein de l’Institut méditerranéen d’océanologie (MIO), tendent à montrer qu’il n’en est rien et qu’ils sont bel et bien propices à l’apparition d’une nouvelle production locale. Et donc à l’accroissement de la ressource halieutique.