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XYLELLA FASTIDIOSA : CHRONIQUE D’UN DESASTRE ANNONCE

Conférence de presse OEC - ODARC
Le 9 Avril 2018 - Siège de l’Office de l’Environnement de la Corse/Uffiziu di l’ambiente - 14 avenue Jean NICOLI - CORTI



A la suite de la récente identification de la bactérie Xylella fastidiosa sur des oliviers et des chênes verts, l’ODARC et l’OEC, qui suivent ensemble ce dossier pour la Collectivité de Corse, souhaitent rappeler la gravité de la situation et la responsabilité écrasante de l’Etat qui depuis 3 ans s’efforce, devant l’évidence, de minimiser les risques.
 
Une fois de plus, malgré l’expérience douloureuse du cynips, de la fièvre catarrhale, du charançon du palmier, de nombreux parasites destructeurs (varroa, metcalfa pruinosa, cochenille du pin, etc), nous constatons que l’Etat n’exerce pas la compétence sanitaire au bénéfice de la Corse.
 
Nous n’avons jamais cessé, par des interventions répétées en CROPSAV, par des courriers et des échanges avec le Préfet et les Ministres concernés, d’alerter sur les risques majeurs liés à la bactérie, quelle que soit la sous-espèce.
 
L’Assemblée de Corse avait demandé dès septembre 2014 la suspension de l’entrée de plants (délibération du 25 septembre 2014 (AC 14-173) prise à notre demande suite à la découverte de Xylella Pauca dans les Pouilles.
Suite à cette demande, le Préfet avait pris en mai 2015 un arrêté interdisant les introductions de plantes hôtes, sauf dérogation expresse au cas par cas. Or l’entrée massive et continue de plants d’espèces sensibles à Xylella, tant à vocation ornementale qu’agricole a rendu cet arrêté totalement inopérant.
Le tableau ci-joint montre à quel point l’Etat a dévoyé la fonction première de cet arrêté : appliquer le principe de précaution en évitant l’entrée d’autres sous-espèces de la bactérie Xylella fastidiosa.
 

Lorsque les revendeurs introduisent des plants, ils le font effectivement en conformité. Par contre, l’Etat sait parfaitement que les tests homologués n’assurent pas un niveau suffisant de détection de la bactérie XF, puisqu’ils ne la détectent qu’à partir d’un seuil de présence très élevé, entraînant ainsi un nombre important de « faux-négatifs » ; et que par conséquent le passeport phytosanitaire européen (PPE) « autorise » de fait la dissémination légale de la bactérie.
 
L’Etat sait qu’il existe un test plus précis pour déterminer la présence de la bactérie dont l’homologation tarde depuis trop longtemps ; cela permet de masquer la réalité et donc la gravité de la situation.
 
Nous constatons que l’identification de plusieurs sous-espèces de XF dans d’autres régions d’Europe, notamment en Espagne (Baléares et région de Valencia, octobre 2016), d’où proviennent de nombreux plants introduits (oliviers), n’a pas conduit à une nouvelle analyse de risque, malgré les engagements pris par le Préfet.
Pire, la DRAAF a accordé des dérogations même quand il y a une filière locale de production. C’est le cas des oliviers, des agrumes, des plantes aromatiques (et filière en cours de développement pour les amandiers et les figuiers).
 

Or la sous-espèce multiplex présente aux Baléares a bel et bien sérieusement atteint des oliviers : on ne peut pas affirmer que cette souche est « moins dangereuse » que la pauca ou d’autres souches.

Malgré cette nouvelle alerte, ainsi que l’identification d’un cas de XF pauca à Menton, l’Etat n’a rien changé, bien au contraire. Il a pris des risques très élevés d’atteinte à notre agriculture et à notre milieu naturel, malgré les nombreuses interventions communes de l’ODARC et l’OEC depuis notre arrivée aux responsabilités.
 
La crise est donc là : elle menace lourdement nos filières agricoles - oléiculture, agrumes, plantes aromatiques, vigne, amandiers notamment, ainsi que notre biodiversité : espèces endémiques, espèces rares, zones protégées, etc.
 

Pourtant il est toujours impératif d’essayer de nous protéger de l’introduction de nouvelles sous-espèces : l’OEC/Conservatoire botanique et l’ODARC sont en contact permanent avec les chercheurs les plus reconnus au niveau international et leur avis est unanime : le risque majeur pour la Corse est la recombinaison des différentes sous-espèces, mais aussi la combinaison potentielle avec d’autres agents (Champignons, algues, parasites ou insectes) qui pourraient amener à une crise de type « californien ».

Le risque de super-vecteurs est à prendre très sérieusement en considération,  à la lumière de ce qui s’est notamment produit en Californie pour la maladie de Pierce (Xylella fastidiosa, sous-espèce fastidiosa qui a ravagé le vignoble de Californie) : c’est l’introduction accidentelle d’un nouvel insecte qui a accéléré l’épidémie.
La sensibilité insulaire particulière doit être impérativement prise en compte : fragilité des filières agricoles, fragilité et spécificité de la biodiversité - présence d’un nombre exceptionnel de plantes sensibles à Xylella dans le maquis (sur près de 600 000 ha selon la cartographie établie par le Conservatoire botanique de Corse).
 
En conséquence, au regard de l’aggravation de la situation en Europe,  les risques liés à politique actuelle d’octroi de dérogations ne sont pas acceptables* (voir annexes) : ils mettent en danger l’avenir des filières agricoles et ne sont pas compatibles avec la fragilité et la richesse de notre milieu naturel.

Au vu de la gravité de la menace, nous demandons que soient prises les mesures suivantes :
 
Au niveau local
  • La suspension des dérogations concernant les plantes ornementales sensibles (Présentes dans la flore indigène et/ou figurant dans la liste des plantes sensibles, notamment le laurier rose)
  • La suspension des dérogations pour l’entrée des plants agricoles et horticoles lorsqu’une filière locale existe (cas des agrumes, des oliviers, des plantes aromatiques)
  • L’examen au cas par cas pour les autres entrées, en sécurisant au maximum la traçabilité etles conditions de production en amont
  • La transparence en matière de données et de gestion (non communication des résultats d’analyses et impossibilité de connaitre la liste des plantes qualifiées « d’autres » dans les introductions) et le renforcement des contrôles
  • La réorientation de la demande vers d’autres espèces ornementales (il en existe des milliers, pour 200 à 300 espèces sensibles à Xylella) et un soutien massif aux pépiniéristes qui sont engagés dans une démarche de production locale (Corsica grana) et aux nouvelles installations
 
Au niveau français et européen
  • L’homologation au plus vite du test le plus précis et sa généralisation progressive afin de sécuriser la circulation des végétaux au regard de Xylella.
  • La mise en place de moyens importants de recherches pour la connaissance et l’expérimentation
 
De son côté, la Collectivité territoriale a pris les mesures suivantes :
  • Dès notre arrivée aux responsabilités, suspension de toute végétalisation sur les routes territoriales (seuls les marchés déjà attribués ont dû être finalisés)
  • Soutien au développement de filières de productions locales de plants, par l’Odarc
  • Développement par le Conservatoire botanique de la marque Corsica Grana, évaluation et suivi de la présence de XF et des dégâts potentiels sur le plan environnemental
  • Montage et prise en charge financière (386 000 €) d’un programme de recherches sur l’éco-épidémiologie des insectes vecteurs (OEC/Conservatoire botanique, INRA, Università di Corsica) : les premiers résultats sont particulièrement significatifs.
 

L’Etat doit revoir immédiatement sa politique de dérogations et prendre en compte le risque lié à l’introduction de nouvelles sous-espèces. Et tenir enfin compte de la délibération de l’Assemblée de Corse.
 
Si la Collectivité de Corse avait eu la compétence dans ce domaine, des mesures auraient été prises, en appliquant simplement les mesures indispensables de précaution. La Xylella montre une nouvelle fois l’impérieuse nécessité d’une reconnaissance de la fragilité particulière de nos filières agricoles et de la biodiversité insulaire et de la mise à disposition de la Collectivité de Corse de documents cadre et de règlementations adaptées.
Nous continuerons à formuler des propositions en ce sens : elles devront  être entendues.
 

Annexes